Le recueil que nous publions réunit
les dix lauréats d'un concours de nouvelles
ayant pour sujet "la marge":
dix écritures, dix univers imaginaires originaux
qui explorent toutes les facettes
de la marge sans s'y tenir. |
Préambule: Jean-Pierre Abraham
Décider d'écrire une histoire c'est, sans en
avoir l'air, boucler son sac, quitter sans prévenir parents et amis, refermer doucement
la porte, prendre la tangente, se mettre en marge en quelque sorte.
Ce n'est pas forcément sans risque. Surtout quand le sujet choisi est cette marge
elle-même: n'est-ce pas le lieu, par excellence, où s'égarer?
Où se trouver, peut-être aussi. La marge, c'est l'inattendu. Elle peut surgir entre un
miroir et soi, sur l'écran d'un ordinateur, ou à la faveur d'une gueule de bois. Elle
peut être vraie marge de papier, prenant soudain plus d'importance que le texte d'à
côté, parfois gagnant toute la place. Elle peut naître dans un lieu, bord de mer,
dessous d'une ville, étang dans une forêt, cahute de colline. Elle peut se faire
sinueuse, sur le sentier côtier de cap Sizun. Elle peut être gouffre, ou planche de
salut, voire tremplin. Tout dépend de la nécessité qui fait qu'on s'y aventure.
Quand cette nécessité existe, comme c'est le cas dans les dix nouvelles présentées
ici, la démarche est forcément salutaire. Raconter une angoisse, est-ce que cela la rend
plus légère? Oui, un peu. Et un peu plus encore si elle trouve écho chez un lecteur de
hasard qui, soudain, se sent lui-même moins seul, s'étonne. On s'en doutait: la marge,
c'est d'abord un bel espace de rencontres, ouvert à tous les errants.
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Quelques extraits
Quant à la qualité littéraire des textes de Georges, ne parlez pas à un psychologue
d'intensité poétique ou de style, car voilà des choses que de nombreux
psychologues ont refoulées et refoulent sans cesse.
François Pernel - Le Cas Marge
Les deux bols de thé rapidement avalés, à défaut de réchauffer
l'âme, marquent le début d'une longue journée.
Philippe Baucis - La Marge de l'agenda
Allez, en route! A moi la bière, à moi le Jack, à moi l'herbe et
avec un peu de chance, à moi les pétasses aux yeux d'or.
Jérôme Baclet - Nuit, île tendre (Blues)
Je n'osais pas trop penser à ma chance d'épouser celui qui était
alors considéré
comme un des grands espoirs de la littérature anglaise.
Jean-Philippe Gouigoux - Marginalisation
Ne vous y méprenez pas, je ne suis pas de ces hommes de mer nostalgiques qui,
condamnés à la terre, sont amputés de leur liberté et se déplacent maladroitement,
comme les pingouins, rient comme des mouettes d'un rire strident d'alcool,
et perdent leur regard dans les vaguelettes qui le leur ramènent bien, la déchéance
en pleine gueule.
Myriam Fareed - La Marge
Nous nous allongeâmes, la carcasse au soleil, sur les rails envahis
par la végétation.
Nos chairs putréfiées par l'humidité des Ktas se réveillaient.
Isabelle Buisson - Les Ktas
A vingt ans, il pensait qu'il avait le temps, toute la vie devant lui;
à vingt-cinq ans, il avait encore de la marge.
Michèle Raphel - La Photo
On l'a vu arriver, le Gobbi, on a tout de suite repéré la
silhouette à la canne.
Ca fait belle lurette qu'il descend au village sans prévenir, quand ça lui pète.
Valérie Goma - Le Gobb
Lentes gouttes de plomb, le long de la nuque, sueur épaisse en ruissellement
froid.
Andrew contemplait maintenant sa main gauche, luisante de sel.
Pierre-Alexandre Sicart - Etat de crise
Le petit Jérémie... Qu'est-ce qu'il m'a pondu cette fois? Le sujet
était minable, c'est vrai.
Pour ça, je n'ai pas tellement d'imagination. Je préfère les emmener en sortie que...
Tiens la forêt... Dans la forêt? Idée étrange.
Marine Bachelot - Jérémie
Dix nouvelles
Marine Bachelot
Jérôme Baclet
Philippe Baucis
Isabelle Buisson
Myriam Fareed
Valérie Goma
Jean-Philippe Gouigoux
François Pernel
Michèle Raphel
Pierre-Alexandre Sicart |
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