L'affreux bonheur d'écrire. Jean-Yves Le Disez, Hopala! n°8 - Juillet-Octobre 2001.

 

Pluchon, "un homme condamné à traverser la vie un cimetière dans la tête", découvre le bonheur un peu malgré lui. Placé sous le signe de Céline (le chat de Pluchon s'appelle Ferdinand), le livre doit sans doute encore plus à Proust. Réflexion sur l'écriture, sur sa nécessité et sa futilité, il semble osciller entre ces deux pôles littéraires, cherchant peut-être à les réconcilier. L'affreux bonheur est sans doute avant tout l'affreux bonheur d'écrire. On peut sans aucun doute parler de bonheur de l'écriture à propos de Jean Le Carrérès mais le livre explore peut-être justement le hiatus qui existe entre bonheur de l'écriture et impossibe bonheur d'écrire. Même s'il y a de la première gorgée de bière dans ce livre-Ià, son ambition est bien plus grande: il s'agit moins de retrouver le chemin des plaisirs simples (ou complexes) de la vie - la nature toujours changeante, la neige en Bretagne, "faire éclater entre ses doigts Ies pendentifs grenats des fuchsias", Ies toiles d'Uccello... - que d'essayer de les retenir dans Ies rets de l'art, de réflechir à la relation entre réel et écriture, réel et représentation. D'où la référence à la photographie, passe-temps favori de la compagne de Pluchon, et la satire de certaines dérives de l'art contemporain. Saluons aussi la qualité technique de l'ouvrage, deuxième titre d'un nouvel éditeur.